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La guilde de Harken

La guilde de Harken

Le crépuscule est sur le point de s’installer. L’air se rafraichit. Je suis confortablement installé sur le haut de cette colline qui surplombe la Vallée des Larmes ; une bouteille de cervoise à la main, un lièvre embroché qui tourne au-dessus d’un feu qui crépite. Le feu doit être visible dans toute la vallée.

Breth chantonne s’accompagnant de sa lyre ; quelques-uns de nos amis sont alors présents et s’essaient également au chant, couvrant de leurs voix mal coordonnées la mélodie de notre barde.

C’est un peu mon idée du bonheur : de quoi boire, de quoi manger, un bon feu, de belles femmes et quelques bons amis…

Nous fêtons mon retour de la Cité des doges. J’essaie aussi de lui changer les idées, car je vois bien que cette malédiction le mine, et qu’il ne veut peut-être pas trop le montrer, mais qu’il est inquiet.

Plus tard dans la soirée, lorsque les voix se font plus discrètes, qu’une atmosphère sereine s’installe…c’est le temps des confidences.

La guilde de Harken

Il m’arrive peu de parler de la Guilde, mais ce soir-là, je ne sais plus comment nous avons dérivé sur ce sujet…

- Non, c’est faux Breth ! Toutes les guildes de voleurs ne sont pas au service d’un maître tout puissant qui s’enrichit aux dépens de ses petites mains. Il existe certaines guildes, dans certaines cités qui ne travaillent que pour le compte d’un seul homme, d’une seule famille. Ce maître s’entoure d’hommes de mains qui sèment la terreur dans la guilde et les membres de la guilde, effrayés par le moindre faux pas, tenus à des quotas de butins à ramener chaque semaine, sèment à leur tour la terreur dans la cité. Ces confrères n’ont aucune autonomie et vivent dans l’angoisse. 

Je reprends une gorgée de ma cervoise et enchaine :

- Ce n’est pas ma conception de la Guilde et de mon métier. 

Breth sourit en m’entendant parler de « métier ».

- Dans ma Guilde, il faut que chaque membre puisse s’y sentir bien. Il y a un groupe, élu chaque année, qui décide des grands objectifs (les alliances, les missions importantes auxquelles chacun doit contribuer), fixe la contribution de chacun, assure des missions de police interne, décide des matériels à se procurer… Mais chacun a son mot à dire.

-En fait, c’est très démocratique, embraye Breth le sourire aux lèvres.

- Oui, en quelque sorte, répliquai-je, conscient de l’ironie de mon ami. Et chacun est libre de quitter la guilde s’il ne s’y plait pas. Mais, une fois hors de la guilde, tu n’y reviens pas. Et si tu y reviens…

Je laisse passer un silence avant de poursuivre sur un ton plus mystérieux :

- C’est avec la tête en moins : c’est parce que tu auras livré le nom de ses membres, ou les lieux de réunions ou de stockage des butins et du matériel…

- Il y a des règles à respecter alors ? interroge Breth toujours ironique.

- Evidemment, rétorquai-je un peu exaspéré.

Breth ne me reprend pas. Il m’apparaît plus à l’écoute. Je poursuis donc :

- Les règles ? C’est le basique de toute vie en société. Ne pas s’en prendre aux marchands qui paient leur dime à la confrérie, déclarer tous ses butins et toutes ses missions. La guilde prévoit des règles de répartition des butins qui restent très favorables aux confrères participant aux missions.

- Mais la guilde touche sa part…

- Oui, toujours. Et celle-ci varie en fonction du matériel et des ressources qu’elle aura mis à la disposition de chacune des missions.

- Les « élus » de la guilde s’en mettent plein les poches, croit-il pouvoir me reprendre.

- Les élus sont rémunérés. Mais, la part de la guilde permet surtout des investissements, verser une part aux veuves des confrères disparus, corrompre les gardiens, les juges et toute autre force prétendument légitime pour obtenir des libérations, des améliorations de traitements, ou encore financer la guilde des assassins pour faire disparaître un témoin gênant.

- Vous faites preuve d’une certaine éthique en quelque sorte.

- Tout à fait. En tout cas dans notre guilde. Cette éthique est d’ailleurs appréciée des bourgeois de notre cité ; ils préfèrent avoir une organisation du pick pocket qui fait la police au sein de ses propres effectifs plutôt qu’une anarchie dans le domaine… A contrario, Il y a des cités confrontées à des organisations sans éthique, expansionnistes, faisant régner la peur…Il est arrivé par le passé que certains seigneurs ou bourgeois de ces cités fassent appel à d’autres guildes d’autres cités afin qu’elles prennent le contrôle de la guilde de cette cité pour « y rétablir l’ordre »… Dans ces cas, c’est la vendetta qui s’installe…A défaut, les seigneurs et bourgeois font, en cas d’extrême recours, appel à des guildes d’assassins.

La guilde de Harken

-Tu as déjà participé à des vendettas ? demande Breth.

La discussion commence à aller sur un terrain glissant et risque de me conduire à porter atteinte à mon secret…professionnel.

Je me rends compte que je suis allé un peu trop loin… Peut-être l’alcool, l’ambiance qui régnait à ce moment-là… En revanche, je vois une petite lueur briller dans le regard de Breth. Lui, il a conservé toute sa lucidité. Il vient de recevoir comme une illumination.

- Et peut-on louer les services de ta Guilde pour éradiquer un problème de manière radicale ? Demande-t-il, songeur.

- Quel genre de problème ?

- Un problème différent de ceux que la Guilde traite habituellement…

- Ma Guilde traite de tous les problèmes pourvus qu’elle prenne sa part ou y trouve son intérêt ! A quel problème songes-tu mon petit Breth ?

- Ben le problème que peut poser une femme avec des ailes de chauve-souris, si tu vois le genre… Une histoire de malédiction et de succube.

- Et quel serait l’intérêt de la Guilde à chasser ta succube ?

- Je vais payer ses services pour enrôler les meilleurs guerriers et assassins pour me débarrasser de cette garce.

- Et comment comptes tu les payer ?

- Avec la contrepartie de ma malédiction !

Ai-je abusé de l’alcool ? Ou est-ce lui ? Là, je suis largué. Breth, en revanche se compose un visage souriant, presque triomphateur.

- J’ai reçu les premiers exemplaires de mon manuscrit « la trahison des alchimistes ». J’ai vendu mon âme pour connaître le succès, alors cela signifie qu’ils vont s’arracher comme des petits pains dès leur mise en vente demain ! Je serai riche dans quelques jours ! Je pourrais me payer les meilleurs mercenaires du Royaume pour me débarrasser de mon encombrante débitrice ! Qu’en dis-tu ?

C’est totalement stupide, mais puis-je le formuler aussi abruptement ? Ce plan est voué à l’échec… Enfin, c’est mon avis… Au sourire béat qu’il conserve sur sa face, je comprends que Breth, lui, y croit dur comme fer… Le pauvre, la désillusion le guette, j’en mettrai ma main au feu.

Texte de Harken

La guilde de Harken
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E
Magnifique j'adore une bonne soirée à toi bisous
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B
content que cela te plaise Evy... Bonne soirée à toi...