Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La naissance du jeu de rôle... Par Breth Harken...

La naissance du jeu de rôle... Par Breth Harken...

Je vous épargnerai le détail des trois jours de voyage, ponctués d’arrêts pipi, de disputes sans intérêt, de repas qui n’en finissent pas… Certes je suis barde, et j’aurais pu saupoudrer de péripéties aventureuses notre cheminement. J’avoue y avoir songé, histoire de rompre la monotonie de mon périple. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire…

Le premier jour, nous aurions terrassé un dragon, je l’aurais appelé Smaug, me demandez pas pourquoi, parce que ça sonne bien, le second, nous aurions déjoué les tours d’un magicien facétieux que j’aurais appelé Merlin, me demandez pas pourquoi, il serait intervenu au moment où nous allions traverser le pont de l’Epée, gardé par un chevalier sombre du nom de Lancelot, oui ça sonne bien Lancelot… Le troisième jour, nous aurions résolu des énigmes, parce que ça le fait de résoudre des énigmes, ça montre que l’aventurier ne sait pas seulement manier son épée, il sait aussi utiliser son cerveau.

Pour le dragon, le paladin aurait sûrement tenu le premier rôle, ou le nain, oui le nain, je sais pas pourquoi, mais je vois bien un nain venir à bout de Smaug… Me demandez pas pourquoi, je vais pas me justifier à chaque fois, si ?

- Ben si, quand même, si on peut pas te poser de questions quand tu racontes, c’est nul, m’interrompt Harken en remettant une bûche dans le feu.

- Laisse-le raconter, au nom d’Akath ! Il allait relater mes exploits, ça commençait à devenir vraiment intéressant.

- Comme par hasard, quand on parle de lui, ça devient intéressant, rétorque Poigne Gay. Je note une pointe d’égocentrisme dans votre caractère, paladin, vous êtes essentiellement tourné sur la satisfaction de votre égo, alors que vous devriez être guidé par la voix d’Akath uniquement, c’est-à-dire les voix de la sagesse, du courage et du réconfort ! Or vous invoquez Akath à hue et à dia comme s’il s’agissait d’un prétexte à toutes vos décisions, même dénuées des voix impénétrables de la déesse !

L’intervention du gay luron jette une froid sur notre petite veillée, et cela malgré la belle flambée autour de laquelle nous sommes tous réunis pour nous tenir chauds.

- Qu’est-ce qu’il me veut l’autre déviant ? Relève finalement Ambroise, après avoir pris le temps d’encaisser et comprendre les reproches qui viennent de lui être adressés. J’étais habitué à ce que le nabot et le voleur me prennent la tête, mais si ce bougre entre dans la partie, je ne réponds plus de rien !

- Stop ! Il faut que je reprenne les rennes de la situation, je suis le chef de cette bande après tout. Ils sont là pour moi, je les paie, et en plus ce soir, j’avais décidé de les distraire. Ca va pas recommencer. On avait dit une veillée sans dispute ! On écoute, on imagine, on rêve…

- Tu parles d’un rêve, si c’est pour entendre que le paladin fracasse tout à lui tout seul, insiste Harken, qui a décidé de me titiller ce soir.

- Mais s’il tue le dragon et que tu t’empares du trésor, ça te va ?

- Ca me va.

- Moi pas, oppose le nain. Le trésor, je veux ma part aussi.

- Toi, t’es payé à l’heure, nabot, réplique Harken. Le trésor, tu n’y touches pas. Tu regardes avec les yeux mais pas touche !

- Je te fends en deux comme une bûche et je prends ta part !

Putain je le crois pas, ils se disputent pour une histoire imaginaire !

- Et dans le trésor, y’a des potions ? intervient Mithra Yette. Parce que s’il y a  des potions, je me les réserve…

Le moinillon y va de sa requête à son tour, le regard un peu fou, totalement sous l’emprise de ce récit à peine ébauché. Je me demande à cet instant si je ne suis pas en train de poser le doigt sur un truc, un concept novateur… basé sur des histoires racontées par un barde, autour d’un bon feu, prenantes au point de s’imaginer les vivre en réel.

- Moi, je veux des instruments magiques, indique Bru. Genre un luth qui ne jouerait jamais faux, qui m’amènerait la gloire et ensorcellerait mon public, même en bout de place ou de salle, cela m’éviterait de me casser la voix !

Ambroise revient dans le débat avec une nouvelle suggestion de trésor vachement originale.

- Une épée, ce serait pas mal qu’il y ait une épée magique ! Un trésor sans épée magique n’est pas vraiment un trésor.

- Oui, ça c’est une idée ! dis-je pour essayer de reprendre le contrôle de mon récit. Même qu’elle aurait un nom, un passé, une âme. Elle se nourrirait du sang de ses victimes, elle s’appellerait Stormbringer !

- Ah ouais, se félicite le paladin. Stormbringer, ça claque comme nom !

Je les ai mis tous d’accord, je le crois pas… Tous ? non, il y a toujours un irréductible dans l’histoire, un gaulois (tien d’où je tiens ce mot, il claque lui aussi ?)… En l’occurrence, le gaulois est une gauloise… Silencieuse depuis le début. Peut-être aurait-elle dû le rester ?

- Sauf que tout ça a déjà été raconté, intervient Urina.

- Quoi donc ? fis-je en prenant un air offusqué.

- Stormbringer, votre épée, Merlin votre magicien, le pont de l’Epée gardé par un chevalier du nom de Lancelot, et même Smaug votre dragon terrassé par un nain, enfin pas tout à fait mais bon…

- Comment ça pas tout à fait mais bon, relève Gizmo. C’est moi qui l’ai terrassé ce dragon, pas le paladin à la noix j’ai quoi dans le trésor au fait, après avoir trucidé l’autre voleur.

- Insinueriez-vous que tous ces noms et toutes ces aventures ont déjà été vécues et racontée ? Demande Harken.

- Vécues, je l’ignore. Probablement. Mais racontées et écrites, oui, c’est certain… Stormbringer, c’est un conte de Michael Moorcock, Merlin est le personnage principal des récits arthuriens, Smaug est le dragon de Tolkien dans Bilbo.

- Oh l’usurpateur, me lance mon ami ! Je le crois pas ! Tu nous balances des récits en disant que c’est de toi, alors que tout a déjà été écrit. Ne te cacherais-tu pas derrière un paravent pour nous lire ces contes écrits par d’autres ? Tu joues les bardes maîtres du jeu alors que tu plagies des œuvres existantes ?

Paravent, maître du jeu, histoires imaginées, trésors imaginaires et fabuleux, des dragons… des quêtes, des donjons… Je suis sûr que je tiens quelque chose… Ah s’il n’y avait eu cette intervention d’Urina pour me remettre en cause, et Harken pour m’accuser, le rêve aurait été si doux… Le rêve ???

Bordel, non, c’est pas possible, je rêve ???

Je me réveille en sursaut, en sueur, grelottant de froid… Il fait nuit, le feu s’est éteint, Gay luron somnole contre le chariot. Putain, il se passe rien, pas même une petite attaque de kobolds, et j’en suis réduit à raconter mes rêves (qui tournent en cauchemar), pour rompre la monotonie de mon aventure.

N’empêche, on ne me retirera pas de l’idée que j’ai découvert un concept… Ah oui, mais merde, quel concept déjà ? Ben oui, c’est bien connu, on ne se rappelle jamais vraiment de ses rêves !!!! J’avais inventé un truc, je le sens, un truc énorme… Par Akath, c’est pas possible, quel concept ? Quel gâchis, non ?

La naissance du jeu de rôle... Par Breth Harken...
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article