Que vaut la série "les anneaux de pouvoir" ?

Que vaut la dernière série, sortie en grande pompe sur la plateforme d’Amazon ? Annoncée et teasée depuis des mois, c’est peu de dire qu’elle était attendue au tournant. Un caprice du richissime seigneur Bezos ou une vraie réussite ? Un flop, un nanar ou un petit bijou ? Eh oui, mais va falloir lire ma chronique jusqu’au bout pour avoir mon avis (peut-être pas totalement tranché ?) sur la question.

Est-il nécessaire de rappeler que c’est la série la plus chère de toute l’histoire de la télévision ? Un milliard de dollars pour 5 saisons, (dont le quart pour l’acquisition des droits) c’est plus que tous les films réunis, et qui nous en avaient mis plein la vue, il faut le reconnaître. Bon, j’entends les puristes ou les grincheux (les deux ?) qui me feront tout de suite remarquer que la seconde trilogie (The hobbit) était déjà moins réussie que « Le seigneur des anneaux ». Pas faux. La série va-t-elle retrouver le niveau d’excellence de la première trilogie, ou poursuivre la lente et inexorable décadence amorcée avec The hobbit.

- Dis-donc tu ferais pas un peu dans la grandiloquence et du même coup dans la caricature ? The hobbit, la décadence ? Mais où t’as vu joué ça ? Arrête de fumer Breth !

- Ah oui, il me faut préciser que mon retour s’accompagne évidemment de l’inévitable présence de mon compagnon Harken. Y’a pas de Breth sans Harken, ni de Harken sans Breth !

Je vois mon compagnon bomber le torse à l’annonce de son nom, et arborer un sourire jovial, un peu à la Pippin avant de plonger son nez dans sa chope emplie de mousse. Car comme il se doit, notre chronique, nous l’avons d’abord charpenté autour de quelques godets, dans notre chaleureuse taverne de la fesse heureuse. Harken descend la moitié de sa pinte avant de reprendre.

Galadriel pénètre dans une grotte bien sombre... (illustrations de John Howe)

Un troll des neiges (John Howe).

- Si nous, on est inséparables, lâche-t-il entre deux hoquets, Amazon, quant à eux, ils n’ont pas hésité à se séparer du métronome des deux premières trilogies ! (Il veut bien sûr parler de Peter Jackson 😉). Ils l’ont contacté, il s’est dit intéressé, mais eux, ne l’ont jamais relancé. Pas sûr que cette aventure partait sur les meilleurs auspices.

- Un homme ne fait pas tout, personne n’est irremplaçable, nuançai-je. Les cimetières sont pleins de héros qui se croyaient invincibles et irremplaçables. On a oublié jusqu’à leur nom. En plus, certains artistes qui étaient déjà de l’aventure cinématographique, font partie de l’équipe Amazon. Howard Shore signe la musique. Un gage de qualité.

- Certes, mais je l’ai trouvé un tantinet trop présente, parfois trop lourdingue. J’ai connu Shore plus inspiré, plus discret.

- Tu sais qu’il existe un moyen tout simple de régler le volume.

Un soupir et un regard désabusé suffisent à Harken à me faire comprendre que ma remarque ne cassait pas trois pattes à un kobold. Il n’a pas tort, j’enchaîne.

- L’autre gage de qualité de la série est indéniablement l’enrôlement parmi les compagnons de route de la série, de John Howe, l’illustrateur attitré de l’œuvre de Tolkien, déjà présent aux côtés de Jackson. C’est à lui que l’on doit la plupart des décors extraordinaires présents dans la série. Sur notre blog, je vous invite à observer 4 de ces dessins originaux que l’on retrouve dès les premiers épisodes, voire-même les premières minutes.

- Ah ouais, je les ai vu, c’est clair qu’ils ont été repris tel quel par les fondus du numérique ensuite, et que ça envoie du lourd. La grotte de Galadriel au tout début du premier épisode, le troll des neiges, et surtout, surtout… La Moria (dans le second), qui nous scotche au canapé. Excellent ! Des illustrations de haut vol qui en mettent plein la vue à l’écran, on ne peut pas le nier. Même toi, Breth, et ton esprit retors et contradictoire, tu ne peux pas soutenir le contraire.

- Non seulement je ne vais pas le nier, mais je vais abonder dans ton sens. Les décors, les paysages, l’environnement en général, c’est le gros point fort de la série. Bezos a injecté le pez’ et ça se voit à l’écran ! (c’est déjà ça). Vous allez découvrir Eregion, une cité elfique de toute beauté, et vous allez tomber sur le cul en découvrant la fabuleuse cité naine de Khazad Dum, en plein âge d’or, à l’époque de la grandeur de Durin, à l’époque où la Moria rayonnait encore. Bien avant qu’elle ne devienne un repaire de gobelins, et pire encore du balrog. C’est l’autre point fort de la série. Nous faire voyager dans le temps et nous faire découvrir des lieux à une autre époque. La Moria, pour l’instant (après deux épisodes), en est la plus belle illustration.

La Moria du deuxième âge selon Howe.

- Et il n’y a pas que les lieux que nous retrouvons ! s’empresse de préciser Harken. Certains personnages aussi ! Galadriel et Elrond notamment… Avant Sauron, que nous ne manquerons pas de voir dans les épisodes suivants puisque c’est lui que Galadriel pourchasse.

- Oui, on retrouve Galadriel, plus jeune de 4000 ans (encore enfant donc), et vivant sur les côtes de Numénor, puis 2000 ans plus tard (jeune adulte) traquant Sauron… Oui, les elfes ont ceci de particulier, ils sont beaux, ils sont intelligents, ils sont forts, ils encaissent bien, ils sont très adroits et ils vivent très très longtemps. Ils ont tout pour eux, ils sont assez énervants, et c’est sûrement pour à que les « oreilles pointues » ne sont pas aussi bien vus que ça par les humains (un brin jaloux, je pense). Maintenant, on peut aussi les plaindre. Un elfe à l’adolescence, l’acné ne dure pas quelques mois ou quelques années, non, l’elfe, il se tape ces pustules pendant six ou sept cents ans minimum… Alors ? Toujours envie d’être un elfe ?

Harken s’étrangle de rire et manque de recracher sa bière. Cela me rassure, ma vanne est meilleure que la première. Je lui suis gré de sa complaisance à l’égard de mon humour et reprend ma chronique sur un ton plus sérieux.

- La série s’articule autour de quatre protagonistes : Galadriel (Morfydd Clark), Elrond (Robert Aramayo), mais aussi Arondir (Ismael Cruz Cordova), un autre elfe (foncé de peau, mais est-ce bien gênant dans la mesure où il est bon acteur ?), et enfin Nori (Markella Kavenagh), une jeune hobbit accompagnée de son amie Poppy (Megan Richards). Ces deux-là font évidemment penser à Bilbo et Sam, en plus exubérants… Presque caricaturaux d’ailleurs.

Galadriel (Morfydd Clark), et Elrond (Robert Aramayo).

Durin, roi des nains et de la Moria.

- Ah oui, je te rejoints. Ces deux-là, ils surjouent. Enfin, elles surjouent puisque ce sont deux femmes, reprend Harken. Et d’ailleurs, si l’on doit nuancer un peu la série. Je trouve que le casting cloche un peu. Les elfes, et surtout Elrond, il y a quelque chose qui ne va pas.

- Robert Aramayo, c’est le nom du comédien anglais qui joue Elrond. Il avait endossé le rôle de Ned Stark jeune dans la série GOT. Il y apparaissait dans la saison 6 !

- Je ne suis pas fan du casting. Galadriel est jolie, mais trop impersonnelle, pas impliquée dans le projet je trouve. Elle est impliquée dans sa quête, ça, c’est indéniable, elle veut absolument passer Sauron au fil de l’épée, qu’elle a bien aiguisé (le pôvre troll des neiges ne dira pas le contraire), mais à part ça, il y a un petit quelque chose qui cloche. Mais je pense que sa beauté va remédier à cette impression.

- Morfydd Clark, l’actrice qui joue Galadriel, est une comédienne suédoise que l’on a pu apercevoir dans des séries comme « Dracula », ou « his dark materials : A la croisée des mondes » (elle jouait sœur Clara 😉)

- Je ne dirai rien de Arondir, pas parce qu’il a la peau foncée et que je ne veux pas lancer un débat sur la couleur de peau des elfes dans l’œuvre de Tolkien, mais tout simplement parce que c’est le personnage que je préfère. Taciturne à souhait (comme j’imagine être les elfes), mystérieux, et en même temps, il est paradoxalement humain, puisqu’entiché secrètement d’une petite humaine.

- Ismael Cruz Cordova, portoricain de naissance, confirme le casting international et les désidératas d’Amazon de plaire à toutes les communautés. Mais tu as raison, il est bon, et c’est le principal. Il a joué dans la série « Ray Donovan », et dans la 3^ème saison de Berlin station (dans le rôle de Rafel Torres… Merci Wikipédia 😉). Moi, le personnage que je préfère pour l’instant, c’est Nazanin Boniadi qui joue Bronwyn, l’humaine dont s’est entiché Arondir. Elle a du caractère, et j’ai bien aimé la scène où elle a trucidé l’orc rouge. Les scènes de combat et les maquillages restent d’ailleurs du même niveau que les films, autant dire qu’on frôle toujours la perfection.

Ismael Cruz Cordova (Arondir)

- Si je peux dire un truc sur la série et les personnages, au-delà du casting qui ne m’a pas convaincu. Harken ne me laisse pas le lui permettre et poursuit. Le plus gros point faible de la série, pour l’instant, c’est son rythme. Ca m’a trop fait penser à Starwars, et ces changements de lieux, changements de personnages, que l’on abandonne à un moment crucial, pour les reprendre 10 ou 12 minutes plus tard. Ca a le don de m’énerver, ces coupures artificielles pour tenter de maintenir un faux suspens. Qui peut croire sérieusement que Galadriel va se noyer dès le second épisode ? Inutile de nous saucissonner les événements. C’est daté, artificiel, surfait. Et lorsque débarque l’étranger, là c’est encore pire.

- Certes, ta remarque est pertinente, mais les terres du milieu sont vastes et la menace semble rôder partout, nos protagonistes s’y retrouvent aux quatre coins du monde, et l’on ne peut pas y faire grand-chose.

- Alors quoi ? Comment on conclue notre chronique ? Pour notre retour, je trouve qu’on est un peu trop dans le consensuel, on partage même souvent les mêmes idées.

- Oui, mais pour autant, on n’est pas dans enfermé dans l’outrance ou l’extrémisme qui tendent à caractériser les prises de position d’aujourd’hui. On fait dans le trash, on fait dans le clash, on se radicalise et on taille dans le vif. Non, ce n’est pas notre genre. Nous, on dit la vérité… Enfin notre vérité. Et si celle-ci n’est pas tranchée, et bien, elle ne sera pas tranchée et c’est tout    . Deux épisodes, c’est trop peu pour se faire un avis définitif. Il y a de l’action, des décors exceptionnels, des créatures comme on aime… mais, il manque encore un petit truc pour en faire une série exceptionnelle. Ce petit truc viendra-t-il avec les épisodes suivants ou au contraire, le rythme va-t-il s’essouffler, et la série se banaliser ? L’avenir nous le dira.

Fort de son succès lors du lancement (25 millions de téléspectateurs vendredi dernier dans le monde, dont vos deux serviteurs), la question n’est pas de savoir s’ils seront encore là pour les épisodes suivants (la réponse est oui), mais plutôt de connaître leur avis définitif une fois le rideau baissé et le dernier épisode achevé. L’indice de satisfaction sera-t-il à la hauteur du génie de l’auteur ? Soutiendra-t-il la comparaison avec les deux trilogies cinématographiques ? Oui, seul l’avenir nous le dira…