Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le grand jeu de la vie et de la mort

Le grand jeu de la vie et de la mort

Alors là deux solutions, soit je me réveille un peu plus tard, dans une grotte où j’aurais atterri je ne sais-comment, sauvé miraculeusement par je ne sais-qui, soit je reprends pile où j’en étais et me lance dans la description du combat héroïque que je m’apprête à livrer.

Si vous souhaitez valider la première hypothèse, tapez 1 (et rendez-vous page 369), si vous préférez la seconde possibilité, tapez 2 (et reportez vous page 19)…

Oui, oui, oui, la deux ! Mais avec l’option survie en prime dans ce cas… Si c’est pour bâcler le paragraphe de la page 19 en écrivant un truc du genre « il s’extirpa enfin de l’odieux enchantement dont il était victime, sortit son épée, se battit glorieusement, mais au final, il succomba sous les assauts répétés et voraces du dragon »… Alors là, je dis non, et je reviens à la première hypothèse ! Comment ça c’est pas possible ? C’est ma vie tout de même ! On n’est pas dans une chronique dont vous êtes le héros ! Quoi, vous êtes sérieux, ce n’est vraiment pas possible ? Mon choix est définitif ! Mais alors, vous pourriez achever cette quête d’un trait de plume en écrivant : « Et il mourut en d’atroces souffrances avant que son âme ne rejoigne les enfers où Kora Sahn l’attendait, triomphante, un sourire cruel sur les lèvres ! » Mettre un terme de cette façon à la destinée fabuleuse de votre obligé reviendrait à priver le lecteur d’une fin originale, onirique et tellement plus belle en ces jours de souffrance ? Vous n’oseriez pas ? Si… ?

Alors je choisis la première option : celle du réveil dans la grotte. Mais ne me collez pas avec la succube ou je vais de nouveau sortir de mes gonds ! Si c’est pour me sauver des griffes d’un dragon et me balancer dans celles d’une succube, ce n’est pas la peine non plus ! Ce serait du pur sadisme… Je crois capables, les dieux qui contrôlent nos destinées, de me réveiller dans le chaudron de ma succube, juste pour jouir de mes souffrances… à moins que ce ne soit celui de m’entendre hurler et déclamer quelques vers maudits avant de me consumer. Sadiques vous-dis-je !

Ah ce choix que je n’arrive pas à faire ! Puis-je avoir au moins l’avis du public ? Demander conseil à un ami ? Euh non, pas le 50/50 je ne jouerai pas ma vie à pile ou face !

 

- Breth, tire-toi !

 

Ca c’est le conseil d’un ami, je reconnais entre mille, la voix de Harken. Je reprends conscience à cet instant sans savoir combien de temps s’est écoulé. Mais je n’ai pas bougé et le dragon est presque sorti de l’eau. Quelqu’un a donc choisi l’option 2… Comment ça c’était l’avis du public ? (je n’ai pas dit non plus que j’allais le suivre !) Au moins ai-je retrouvé l’usage de mes mouvements. Je sors ma dague, sans craindre de paraître ridicule avec cette fine lame de quarante centimètres, un rempart dérisoire face à un monstre de cinq mètres de haut, et de plus de deux tonnes !

Le monstre ouvre sa gueule garnie de crocs, et une langue serpentine vermillon s’en échappe, une nouvelle note de couleur qui tranche avec son aspect translucide.

 

- Breth ! Tire-toi !

 

Harken me lance cette ultime mise en garde en aidant Urina à sortir de l’eau. Cette fois, je suis son avis et tourne les talons, tout heureux de constater que mes jambes répondent aux injonctions de mon cerveau, et accessoirement, pour une fois, à celles de mon compagnon. Je sens le souffle glacée et humide du dragon dans mon dos. Je me retourne pour voir la colonne d’eau qu’il vient de souffler, et qui m’aurait transformé en glaçon si je n’avais pris les jambes à mon cou !

Le dragon lâche un grognement sinistre qui me hérisse le poil (à moins que ce ne soit l’effet secondaire du souffle glacé qui a bien failli me congeler la couenne ?). Je file à toute allure vers les gorges en manquant au moins dix fois de me ramasser lamentablement. J’aurais au moins réussi mon jet de dextérité, (mon 50/50 peut-être ?)… En tous cas je me retrouve à l’abri dans les gorges, essoufflé, tremblant d’effroi, mais rassuré quant à l’étroitesse du canyon. La carcasse de notre monstre ne pourra jamais se faufiler dans un défilé si exigu. Je reprends mon souffle, adossé à la paroi rocheuse lorsqu’Urina me rappelle que sa vie ne tient qu’à un fil. Elle hurle de terreur. Je passe la tête par-delà le rocher qui me sert d’abri et je vois de dos, le dragon, sa longue queue couverte d’écailles liquides, balayer le sol, avancer d’un pas décidé vers la jeune femme.

Urina est acculée contre la paroi du précipice et ne peut plus s’échapper. Le monstre la toise de toute sa hauteur, se délecte de sa peur, lorsqu’Harken, que je ne croyais pas si courageux, s’interpose. Il n’a même pas d’épée à lui opposer, et il est entièrement nu. Le tableau en aurait été grotesque et risible si la situation n’avait pas été désespérée.

Il va mourir comme il est né, dans le plus simple appareil… C’est cette pensée à la con qui me traverse l’esprit, l’arme à l’œil malgré tout, lorsqu’un nouveau phénomène extraordinaire se produit. Derrière Harken et Urina, un personnage vient de faire son entrée en scène, un personnage que je reconnais immédiatement… Cette silhouette ronde enveloppée dans une robe de magicien, ce visage empli de bonhommie, cette expression pleine d’empathie pour le malheur qui nous touche… Bazhell Red… Le sorcier rencontré à la bibliothèque de Kos… Celui-là même qui m’a aiguillé dans mes recherches… Que fait-il ici à cet instant ? Il brandit un bâton torsadé et cela suffit à stopper le dragon. Son long cou se balance toujours au-dessus d’Urina et Harken, qui fait rempart de son corps. Le monstre semble hésiter à dévorer mes compagnons avant de rebrousser chemin. Car il ne fait dès lors aucun doute à sa réaction, que le monstre est effrayé par Bazhell.

Le dragon lance un beuglement de bête blessée et regagne le lac à reculons, comme s’il n’osait pas tourner le dos à ce nouvel adversaire, comme s’il faisait face à la plus terrible des apparitions. Mais existe-t-il monstre plus terrifiant qu’un dragon ?

Le grand jeu de la vie et de la mort
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Super, un beau texte !
Répondre
B
Merci Mojenn, c'est gentil... Heureux que ça t'ai plu. Si tu aimes je te conseille de lire mes chroniques sur le blog, rubrique "un barde et un voleur" ;-) ou mieux, le commander sur amazon... lol