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Débusquer la succube

Débusquer la succube

Bazhell me conduit dans le rayonnage des malédictions, celui qui est le plus excentré, le moins fréquenté, le plus poussiéreux. Les manuscrits sont empilés sur des étagères par centaines, et certains n’ont pas été consultés depuis des décennies, à en croire l’épaisse poussière qui les recouvre. Certains sont précieux ou dangereux, si bien qu’ils sont enchaînés au rayon, ou cadenassé dans une reliure spéciale.

 

- Ces dernières années, nous avons constaté de nombreux vols de grimoires. Certains, très rares et très coûteux sont revendus sous le manteau à des particuliers peu scrupuleux, m’explique mon magicien, en relevant mon étonnement devant toutes ces chaînes et cadenas. Surtout ici, les ouvrages ne sont pas à mettre entre toutes les mains.

 

J’acquiesce en silence et je le suis en me demandant où il me conduit. D’un autre côté, je me dis que j’ai de la chance de l’avoir pour guide car je n’aurais jamais su par où commencer, au vu de tout ce savoir entassé dans ces rayons.

 

- Tous parlent de malédiction ?

 

- Bien sûr, répond Bazhell. Les gnomes ont un sale caractère, et ils sont bourrés de défauts, mais il faut leur reconnaître une qualité ! Ils n’ont pas leur pareil pour trier, classer, ranger. Tu ne trouveras pas un seul ouvrage dans cette partie de la bibliothèque qui ne parle pas de malédiction.

 

Je me demandais pourquoi ces ignares peu aimables se retrouvaient dans les bibliothèques, j’ai maintenant ma réponse. Il y a une réponse à tout… Toujours… Il faut simplement poser ses questions aux bonnes personnes. Bazhell Reed me semble cette bonne personne. La chance semble enfin de mon côté. Les dieux l’ont mis sur mon chemin pour me venir en aide. Je vais vite déchanter.

 

- Voilà, nous sommes dans le bon rayon, dit-il lorsque nous nous trouvons au milieu de deux rayonnages de plus de quatre mètres de haut, et vingt de long.

 

Les dimensions et le nombre de livres me donnent le tournis. Il me faudrait plus d’une vie pour les lire tous. J’aime lire, mais quand ma vie en dépend, j’aimerais autant ne pas y passer des années.

 

- Comment trouver le bon ?

 

- Existe-t-il seulement ?

 

- Comment cela ?

 

- Je n’ai pas connaissance d’un seul ouvrage qui puisse lever une malédiction.

 

Tous mes espoirs sont anéantis en un instant, une seule phrase aura suffi. Si ce mage, habitué des lieux, n’a jamais rien trouvé, comment pourrais-je prétendre, moi, trouver quelque chose ?

 

- Les malédictions ont cela d’étrange que seuls les êtres qui en sont victimes peuvent se sortir eux-mêmes du mal dont ils sont victimes ?

 

- J’avoue ne pas vous suivre.

 

- Les malédictions sont très puissantes, mais les dieux y ont mis un garde-fou. Les victimes peuvent se battre et lever leur malédiction s’ils en comprennent le sens et s’ils trouvent par eux-mêmes la parade. Je ne suis pas à tes côtés par hasard, Breth. Je cherche à combattre Kora Sahn mais la succube n’apparaît qu’à ses victimes. Notre rencontre n’a rien de fortuite, je suis ici pour toi, parce que toi seul peut la trouver. Ensuite, lorsqu’elle sera en face de toi, nous la combattrons ensemble. Cela faisait un moment que je traquais l’une de ses victimes.

 

- J’aurais aimé que tu interviennes sur le type qui m’a précédé, cela m’aurait évité cette déconvenue.

 

- En es-tu bien certain ?

 

- Comment cela ?

 

- Ton vœu n’aurait jamais été exaucé…

 

Pas faux… Mon livre est actuellement dans les ateliers des moines copistes de Beau Delaire, il sera en vente dans un mois ou deux…

 

- Mais là, j’avoue quand même avoir du mal à te suivre. Tu attends quoi de moi ? Quel livre veux-tu que je consulte ? Comment veux-tu que je retrouve notre succube ?

 

- A toi de me le dire, à toi de la débusquer… L’idée de venir à la bibliothèque, c’est toi qui l’a eu… L’idée de consulter les ouvrages sur les malédictions est ton idée… Enchaîne les initiatives, et nous remontrons la piste de notre démone. Je ne suis à tes côtés que pour casser cette chaîne lorsque tu seras arrivé au bout.

 

Par les dieux, je ne suis pas au bout de mes peines. Moi qui pensais que Bazhell allait me sortir l’ouvrage, me lire la bonne formule et me débarrasser de cette garce ailée, je tombe de haut. Accablé et déçu, je me laisse glisser à terre en m’appuyant sur le rayonnage. Les reliures inégales des livres me brossent le dos, leurs chaînes me caillassent les vertèbres. J’ai envie que le rayonnage s’écroule sous mon poids. Mais le mobilier est titanesque, et j’ignore combien il peut peser, sûrement mille fois mon poids, ce n’est pas ma petite carrure de barde maudit qui va l’ébranler ! Et pourtant, et pourtant… A peine le cul posé à terre qu’un ouvrage quitte son étagère et s’écrase à mes pieds, peut-être ébranlé par ma glissade le long du meuble. Celui-ci n’est retenu par aucune chaîne, il n’est pas bien épais, mais malgré tout, il fait un bruit assourdissant en s’écrasant sur le sol. J’en déduis aussitôt qu’il est tombé de très haut, probablement du présentoir le plus haut, le plus inaccessible. Je me saisis de l’ouvrage, et je comprends à son seul contact, que ce livre n’est pas tombé par hasard, qu’il est là pour moi, qu’il n’a été écrit que pour moi… Une douce chaleur me parcoure les doigts, remonte dans mon bras et envahit tout mon corps.

Débusquer la succube
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E
Magnifique livre merci pour ce partage passe une bonne fin de journée bisous<br /> http://l-univers-magique.over-blog.com/
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