Ténèbres, de Bec et Iko

TENEBRES – BD de Christophe Bec (scénario) et Iko (dessins) – Couleurs : Digikore Studio – Editions : Soleil

La nuit commence à poindre. Je chevauche mon fidèle destrier pour me rendre à notre point de rendez-vous hebdomadaire auquel nous nous retrouvons avec Breth et quelques amis.

Nous nous réunissons ainsi chaque semaine dans les ruines d’un site antique pour deviser sur la vie, échanger sur les nouvelles du monde, partager nos chroniques, rire à gorge déployée des déboires de Breth et de sa troupe de bras-cassés, faire quelques serments sous l’autorité de Dame Lune ou de quelque étoile lointaine, mimer notre héroïque passé en ne manquant pas de l’édulcorer comme il se doit, beugler les chants et odes inspirés par notre cher barde, danser au son de sa lyre et de ses rythmes endiablés pour quelque dieu ancien à qui nous croyons devoir rendre hommage pour une raison ou une autre…Enfin, c’est notre moment à nous…

Le site se prête bien à nos discussions et débordements : quelques bâtiments détruits à demi ensevelis mais tentant vainement de demeurer fièrement debout dans un ensemble sylvestre où la nature a repris des droits : dans ce lieu où l’homme a cru un temps dominer son environnement par son industrie en érigeant des bâtiments de pierre mais qui se sont effondrés avec cette civilisation qui les a vu naître…

J’approche du feu de camp allumé par mes compagnons au pieds de l’amphithéâtre qui se prête parfaitement à nos soirées.

La journée a été belle mais pour autant je m’apprête à leur parler de Ténèbres…

A quelques mètres de la troupe assemblée, j’entends mon cher Breth qui devise, mais en m’approchant pour le saluer, je remarque sa mine fatiguée…

« Tu devrais te reposer un peu, Breth. »

Je comprends qu’il passe ses jours et ses nuits à la rédaction de la suite de la « Trahison des alchimistes », le premier tome de sa trilogie de l’Eugord, afin que le tome 2 puisse être publié dans les temps.

Il se retire sans faire d’histoire et me laisse le devant de la scène. Je me râcle la gorge, un peu ému de me retrouver devant un si bel auditoire, et me lance en me délectant des regards posés sur moi.

Je vais leur exposer ma chronique sur Ténèbres ? une BD fantasy agrémentée de quelques passages de science-fiction, en 5 tomes.

L’histoire se déroule dans un monde médiéval.

Un des royaumes s’étend sur un territoire calciné, en proie aux ténèbres et à la désolation où la lave s’écoule le long des pentes des volcans telles des rivières brûlantes et dans lequel se sont installés des dragons qui sèment la fureur et la destruction.

« Un seul viendra par siècle, dans une armure de glace, tenant dans ses mains vengeresses notre salut ». Ainsi, parle la prophétie.

Il y a bientôt 100 ans, un premier guerrier s’est engouffré dans le repère des créatures mais n’est jamais reparu. Les dragons ont disparu pendant quelques décennies mais sont réapparus avec leur cortège de flamme et de mort.

Le roi, obstiné, refuse de quitter ses terres, faisant courir à son peuple les dangers de mort, mais espère l’arrivée d’un sauveur capable de restaurer la paix et mettre fin au chaos.

En parallèle des scènes grandioses de combat avec les créatures méphitiques, l’ouvrage raconte l’histoire d’un enfant (Ioen) qui survivra à l’incendie de sa maison, et retrouvera son intégrité physique quasi-immédiatement. Sera-t-il l’élu de la prophétie ? Le tome premier est l’occasion de découvrir un personnage mystérieux, Arzamas (au visage étrangement ressemblant à Vincent Cassel), venu proposé au roi son aide à la destruction des dragons à l’aide d’une puissante arme capable d’un trait d’éliminer une créature ; en contrepartie, il exige la main de la princesse Tifenn et succéder à la mort du souverain en place.

L’histoire apparaît classique : un monde chaotique, une prophétie, des dragons, des combats dantesques, un roi obstiné qui n’en peut plus d’attendre la venue d’un sauveur, un capitaine opportuniste,…

Pour autant, l’histoire est bien menée, plaisante à suivre, agrémentée d’une petite touche de SF qui n’est pas sans rappeler la ballade de Pern racontée dans une précédente chronique.

Bec est au scénario… Il est l’auteur de l’excellent « Sanctuaire » (une claque en matière de BD) mais nous a également perdu dans des séries à rallonge qui n’en finissent pas, tournant souvent autour des mêmes thématiques donnant l’impression de déjà vu, telles « Bunker » ou « Carthago » ou encore l’incompréhensible « Zéro absolu ». C’est un auteur que j’ai suivi quelques temps mais qui m’a lassé. Pour autant j’y suis revenu avec Ténèbres et n’ai pas été déçu.

Si je n’ai pas été déçu, c’est aussi beaucoup grâce au travail somptueux d’Iko, le dessinateur, de son véritable nom Giuseppe Riciardi qui a écrit notamment un « Durango ». Son dessin est superbe, précis, détaillé, les créatures et les décors sont grandioses, les visages sont précis,… Un dessin splendide soutenu par une colorisation très juste.

Un bémol néanmoins sur le cinquième tome qui perd en finesse : le dessin est plus statique, dans les scènes de groupe les visages des figurants sont moins travaillés…

Dans l’ensemble néanmoins, vous passerez un très bon moment.

« Ta chronique donne envie de se plonger dans la BD, mais je ne l’aurais pas présentée comme ça ».

Nous nous retournons tous vers la source de la voix : c’est Breth que l’on croyait tous endormi. Il s’étire, baille la bouche grande ouverte.

Sacré Breth, toujours à redire, si ce n’est pas lui à la manœuvre, entendre « à la plume », ça ne va jamais… Mais bon, c’est un bon compagnon, il me fait bien rire quand même avec ses chroniques, et sa « trahison des alchimistes » vaut le détour… Mais ça, je ne lui dis pas en face, il va prendre le melon, je le connais…

Critique rédigée par Harken